10 Ruptures qui changent le Travail, les Clients...et l'Economie
par Christian Renard
Publié pour la première fois le 18/01/2016, cet article n'a pas une ride...
. Révisé le 7 Octobre 2022, cet article, écrit il y a plus de 6 ans, a été le plus lu de notre blog. Certains chiffres ont été actualisés. Je n'ai rien ajouté ni retranché...A l'heure de l'IA Générative et des Chatbots, .il est encore très actuel..." Christian Renard
C'était en 2016 : “Lassitude”, “Morosité”, “Méfiance” ...
L’année 2016 était à peine commencée. Le CES 2016 venait de fermer ses portes et la FrenchTech venue en force, Emmanuel Macron en tête, y faisait résonner beaucoup de cocoricos. Mais de ce côté-ci de l’Atlantique, l’ambiance n’était pas la même: L’état d’esprit des Français entre lassitude et méfiance, comme le rapportait le JDD de ce 17 Janvier :
“Lassitude”, “Morosité”, “Méfiance”: trois qualificatifs qui arrivaient en tête dans l’enquête réalisée en ligne entre le 17 et le 28 Décembre 2015 auprès de 2064 personnes par Opinion Way. Pour Martial Foucault, Directeur du Centre de Recherches Politiques de Siences-Po , qui avait commandité l’enquête relayée par le JDD:
“Il faut comprendre cette lassitude comme l’expression d’une vraie fatigue, l’impossibilité pour ceux qui mentionnent ce qualificatif de se projeter dans un avenir meilleur”
Se projeter dans un avenir meilleur? C’est l’ambition du World Economic Forum de Davos , qui rassemble chaque année l’élite de la planète pour réfléchir à l’avenir. Voici ce qu’écrivait Klaus Schwab, son fondateur et Executive Chairman , à la veille de l’édition 2016 du célèbre Forum de Davos, qui a eu lieu du 20 au 23 Janvier :
“Nous sommes à la veille d’une révolution technologique – la Quatrième Révolution Industrielle – qui va profondément modifier la manière dont nous vivons, travaillons, et interagissons avec les autres. Par son ampleur, son envergure, et sa complexité, la transformation que nous allons vivre ne ressemblera en rien à ce que l’humanité a pu vivre à ce jour”
“La Première Révolution Industrielle , celle de la Vapeur, a permis de mécaniser la production. La Seconde, celle de l’Electricité a généré la production de masse. La Troisième a utilisé l’électronique et les Technologies de l’Information pour automatiser la production. La quatrième révolution industrielle – la révolution numérique – se greffe sur la précédente. Elle est provoquée par l’effacement progressif des frontières entre le monde physique, le numérique, et la biologie. Elle évolue à un rythme exponentiel, et non pas linéaire, elle disrupte peu à peu tous les secteurs d’industrie sur toute la planète, et elle va changer en profondeur la production, le management, et la gouvernance.”
Voici 10 ruptures qui vont nous faire entrer – de plain pied – dans le 21ème siècle et nous redonner des perspective
1- La Planète est mobile et connectée.
Le mobile et le social se diluent déjà dans le quotidien de plus de 2 milliards de personnes (2022: 5 millliards). En France, 95,7 % des personnes entre 16 et 64 ans sont équipées d'un smartphone), qui devient le « hub » reliant nos espaces privatifs – nous, nos voitures, nos maisons – au monde extérieur. Tous les décideurs ont désormais compris que ce tsunami technologique que personne n’avait vu venir allait rapidement bouleverser la manière de travailler et de faire des affaires.
2- La Technologie devient transparente, et les usages se multiplient.
Le « chat » et la voix remplacent progressivement le clavier et la souris…et c’est désormais la machine qui s’adaptera à nous.
L’Usine Digitale résume cette tendance nouvelle d’un titre lapidaire: Au CES 2016, la Tech a disparu. Les machines évoluent en effet rapidement vers une compréhension du langage naturel. Les applications de “chat” comme Wechat ou Facebook M permettent de faire une multitude d’opérations de la vie courante (commander un taxi, réserver un restaurant ou un spectacle et le payer en un clic) avec les mots de tous les jours. Avec Siri, Cortana, et Google Now, on va encore un cran plus loin. Ceux qui choisissent de partager les informations nécessaires bénéficient d’un véritable assistant personnel qui répond aux questions, fait des suggestions, et anticipe d’autant mieux qu’il apprend à nous connaître. Un article du blog de la recherche d’Orange fait le point sur cette technologie émergente « Dialoguer avec les machines : entre mythes et réalités » . Sa conclusion : des jeux de questions/réponses traités séparément, oui. Le vrai dialogue, plus tard.
3- Le Mobile devient le “Hub” qui relie les différents compartiments de notre existence au monde connecté
Le modèle publicitaire adopté par les GAFA pour faire décoller les réseaux sociaux faisait de la captation des données personnelles la contrepartie de la gratuité. Avec le Mobile et l’ Internet des Objets , les usagers veulent reprendre le contrôle de leurs données et les pouvoirs publics vont les y aider. Mais nous aurons souvent intérêt à partager ces données, la mise en place de filtres permettra de le faire avec discernement.
4- L’Informatique Cognitive décolle. Ça pourrait être une vague encore plus puissante que celle qui a amené le Mobile et le Social.
Les machines du Cognitive Computing comprennent la voix, mais pas seulement. Elles posent des questions, sont capables de balayer en quelques millisecondes des milliards de tweets, l’intégralité de millions de vidéos, savent trouver les experts. Elles parlent ou envoient des messages –en temps réel.
Concrètement – avec votre permission c’est mieux – elles vont être capables de vous accompagner, de vous coacher – avec Waze, Google Now peut optimiser vos trajets – IBM Watson for Oncology permet aux oncologues de confronter les données de leurs patients avec un historique de milliers de cas et donne ensuite les pistes les plus adaptées au cas précis qui lui a été soumis, et l’on pourrait multiplier les exemples de “coaching”: Santé, Fitness, Finances, Transports.
Le « Cognitive Computing » a 3 composantes-clés : 1- Un traitement en langage naturel (Natural Language Processing, ou NPL) qui supprime la barrière traditionnelle Homme-Machine. 2- Une grande voracité en matière de données. 3- La capacité d’apprendre (le Machine Learning) en donnant du sens aux énormes quantités de données non structurées que laissent notamment échapper nos smartphones et les objets connectés . Un article de Bernard Marr consacré à IBM Watson fait le point : The rise of thinking machine: how IBM Watson takes on the world.
Pourquoi le « Cognitif » ?
Explications de Harrier Green, General Manager, IBM Watson IoT and Education:
“L’Internet des Objets est un challenge en termes de données. L’approche traditionnelle du calcul programmé – dans laquelle la donnée est guidée via une série de processus « if/then » pré-déterminés permettant de parvenir à un résultat –ne peut pas traiter le niveau et le type de données nécessaires pour tenir la promesse de l’IoT. Les systèmes programmables sont efficaces sur des scénarios imposés sur la base de données prévisibles. Et cette rigidité limite leur utilité pour de multiples aspects d’un monde complexe et rapide, où la valeur de la donnée décroît exponentiellement à chaque seconde d’utilisation.
Le « Cognitive Computing » s’affranchit de ces limites. Plutôt que d’être explicitement programmés, les sytèmes cognitifs apprennent de leurs interactions avec nous et de leurs expériences avec leur environnement. Et ceci leur permet de s’adapter au volume, à la complexité, et à l’imprévisibilité des informations générées par l’ Internet des Objets. De plus, les systèmes cognitifs sont capables de donner du sens aux 80% des données de la planète que l’on qualifie de « non structurées » – comme les vidéos, l’audio, et même les blogs et les fils Twitter. Ce qui signifie que nous sommes maintenant capables de mettre en pleine lumière des pans entiers de l’Internet des Objets qui étaient jusqu’à maintenant invisibles – des tendances et des « insights » issus de sources multiples et disparates – et de prendre des décisions mieux informées.”
Pour les anglophones, la vidéo (en HD) de la keynote de Ginni Rometty, la CEO d’IBM, au CES 2016. Elle permet de comprendre l’ampleur du mouvement en marche – immanquable, l’interview du CEO d’UnderArmour, un spécialiste des vêtements de sport, qui a décidé de devenir le partenaire de notre forme et a racheté 4 startups fédérées autour du concept de “connected fitness”. Résultat: 160 millions de personnes connectées, …et un partenariat prometteur avec IBM Watson.
5- Mais les compétences sont rares, alors une collaboration planétaire se met en place et l’open source devient la règle.
Pas assez d’expertises disponibles? Pour aller plus vite, Google et Facebook rendent publiques leurs recherches. De son côté, IBM a construit, brique par brique, une très puissante infrastructure autour de Watson,
Google et Facebook viennent de mettre leurs programmes de « deep learning » en open source (voir l’article du JDN : les GAFA en pleine course à l’intelligence artificielle )
IBM Watson est présent dans 26 secteurs d’industrie (notamment Santé, Services Financiers, Retail, et Voyages) et dans 36 partenariats où il multiplie les partenariats, notamment pour disposer de plus de données et apprendre plus vite.
Facebook teste “Facebook at work” avec 100 000 collaborateurs de la Royal Bank of Scotland”, et Microsoft se réinvente à toute vitesse autour de l’open source
6- Les plateformes « ouvertes » vont s’imposer comme la seule interface capable de nous connecter à ce monde en pleine accélération tout en se reliant aux systèmes en place.
Elles relient la Technologie, les Talents , et le Business , avec pour carburant la DATA.
Uber et AirBb ont su inventer autour des plateformes et du mobile un modèle service rapprochant, avec le succès que l’on connaît, les besoins et les ressources . Certains en font les champions de l’Economie Collaborative, d’autres les exploiteurs du “Platform Capitalism” . Ce qui est incontestable, comme l’a souligné Nicolas Colin, c’est qu’ils ont créé massivement des emplois peu qualifiés à haut niveau de service (même s’ils vont devoir composer avec les règlementations qu’ils avaient contournées).
Lire l’excellent article de Esko Kilpi: From firms to platforms to commons . Extrait:
“Les plateformes sont une ressource partagée dont la valeur vient de ce qu’elle permettent une création de valeur interactive et partagée tout en organisant et en simplifiant la participation. Les sociologues ont appelé ces ressources partagées des “biens publics”. Un bien est dit “privé” lorsque ses propriétaires peuvent interdire aux autres de s’en servir. Dans une économie fermée où l’accès aux ressources (information, savoir notamment) était restreint, ce qui était privé avait de la valeur, et ce qui était public en avait peu. C’est cette transformation qui crée la confusion intellectuelle qui règne en ce moment. Les ressources publiques du monde physique étaient sur-exploitées, et cela continue, mais (dans le monde numérique), les nouvelles ressources publiques suivent une logique différente. Plus on les exploite, plus elles ont de valeur pour chaque participant.”
Aux USA, Wall Street parie sur les MAGS (Microsoft, Amazon, Google, et Salesforce) en anticipant l’étincelle qui va très prochainement relier la Technologie et le Business , à la périphérie des entreprises, en contournant les organisations centrales. Salesforce a balisé le terrain avec le succès que l’on connaît. De nouvelles couches middleware et la généralisation des API vont permettre de reconstruire très vite des architectures centrées sur les valeurs ancestrales du Commerce.
7- Internet se recentre sur les valeurs ancestrales du commerce : l’Humain, la Confiance, et les Conversations, ce qui va fortement revaloriser le Capital Client des entreprises traditionnelles..
“Le pouvoir n’est plus dans les savoir faire ” métiers” – ils s’acquièrent facilement- il bascule chez ceux qui ont les clients et la technologie” ( Marc Fiorantino via TTSO le 8/1/2016)
Investir sur un client pour l’inciter à renouveler ses achats rapport en moyenne 8 fois plus que si la même somme est investie pour trouver de nouveaux clients. Pourtant, il y a encore peu de temps, 90% des budgets marketing étaient encore consacrés à la conquête de clientèle. Mais tout change rapidement. On assiste à une triple Convergence : avec le mobile, le Digital se fond dans le monde Physique, le Central rejoint le Local ; et le Marketing, la Vente, et le Service Client forment désormais un continuum.
“Quand les entreprises embaucheront avec le coeur” , titrent Les Echos dans un éditorial signé Jean-Marc Vittori , qui résume ainsi les évolutions émergentes :
“Dans le monde du travail, la puissance physique a d’abord primé, puis la puissance intellectuelle. Dans l’économie de demain, la capacité à coopérer sera centrale. Une faculté plus développée chez les femmes…”.
Un article à lire absolument, ici
8- Les champions d’Internet ne s’y trompent pas. Ils repositionnent leurs forces sur ce que beaucoup appellent l’ “Internet of Me” et les réseaux sociaux se privatisent.
Le Mobile est un puissant filtre , et il faut du temps, en B2C, pour gagner la confiance de centaines de millions d’humains, et accéder – avec leur permission – aux « Big Data » qui sont le carburant de toutes les sociétés technologiques .
Pour la Silicon Valley, la mutation de l’entreprise sera le prochain eldorado. Les MAGS (Microsoft, Amazon, Google, et Salesforce ) veulent changer le travail , et Wall street applaudit.
9- La taille n’est plus un avantage. Seule la vitesse et l’agilité permettront de se reconnecter.
Les barrières à l’entrepreneuriat vont encore s’abaisser, et un « solo », une TPE, …ou 5 personnes collaborant à distance disposent désormais des mêmes ressources que les poids lourds…avec l’agilité en plus. Et ceci impose d’adapter les modèles du management traditionnels fondés sur une gestion budgétaire et un système de décisions centralisés , et de développer une culture intrapreneuriale à la périphérie, sur des projets simples, concrets,en multipliant les partenariats. C’est ainsi que se révèlent, chez les Goliaths, de nombreux David qui s’ignorent.
10. La fin annoncée du court-termisme qui a marqué la vie économique et politique depuis une vingtaine d’années va permettre de redonner une perspective et de remobiliser les énergies…pour inventer un avenir meilleur.
Pour John Hagel, co-chairman du Deloitte & Touche Center for the Edge, il faut remettre de la “passion” dans les organisations:
“Pas n’importe quelle passion, celle de l’explorateur, qui a trois attributs bien précis :
- un engagement à long terme pour produire un impact croissant sur un domaine spécifique.
- un esprit curieux toujours à l’affût de nouveaux challenges.
- une pré-disposition à vouloir trouver et à se connecter à d’autres personnes qui peuvent aider à trouver plus rapidement de meilleures solutions aux challenges.
On retrouve cette « passion » chez tous ceux qui , comme les sportifs de haut niveau, sont placés dans des environnements où la recherche de la performance « extrême » est présente."
Pour John Hagel, ce n’est pas surprenant parce que les 3 attributs décrits ci-dessus sont de puissants leviers pour un apprentissage accéléré et pour une amélioration plus rapide des performances.
Alors, comment susciter et nourrir cette passion dans l’univers professionnel ?
En appliquant une stratégie qui s’articule autour de 2 horizons temporels parallèles.
- Le premier se concentre sur un horizon à 10 – 20 ans : A quoi ressembleront les marchés ou industries pertinents pour notre entreprise d’ici 10 à 20 ans, et quelles sont les implications pour le type d’entreprise que nous devons devenir dans ce délai ?
- Mais il y a aussi un second horizon temporel – et celui-ci est vraiment « court terme » – où il faut se poser les 3 questions suivantes :
- Quels sont les 2 ou 3 projets qui auront le plus d’impact pour accélérer le mouvement vers ce futur plus lointain ?
- Avons-nous une masse critique suffisante pour développer efficacement ces 3 initiatives ?
- Et comment mesurerons-nous leur succès d’ici 6 à 12 mois ?
Cette approche de la stratégie est très puissante, mais généralement négligée. Elle est aux antipodes du fameux plan à 5 ans qui requiert tant d’attention de la part du management d’aujourdhui.”
Bien sûr, toutes ces opportunités ne vont pas sans de nombreux risques. Les problèmes de sécurité et d’identité seront au coeur des transformations.
Parmi les organismes qui prennent du recul, en toute indépendance, sur ces thèmes-clés, Forum Atena (disclosure: je suis l’un de leurs administrateurs) , qui organise à partir du 21 Janvier, , en partenariat avec l’IREP, une série de débats sur “Le Grand Chambardement du Numérique”
Le meilleur moyen de s’adapter? Innover à la périphérie des entreprises, en enchaînant les projets simples et concrets, en associant compétences métiers et fonctions support avec le renfort d’experts extérieurs.
Rien de nouveau dans tout cela. c’est une pratique répandue dans beaucoup d’entreprises. J’ai ainsi passé près d’une quarantaine d’années en marge des structures traditionnelles à adapter des succès -généralement américains- au marché français. Ca a commencé en 1973, lorsque, Jacques Michel, le Directeur Général de la compagnie d’assurances française qui m’employait me chargea de créer le “Centre de Gestion des Particuliers” en partenariat avec National Liberty Corp, qui avait inventé l’assurance de masse aux USA. Il m’installa dans des locaux indépendants où je me retrouvai un Lundi matin, seul avec une pile de classeurs – les manuels de procédure déposés par nos partenaires américains – Lorsque je demandais comment constituer mon équipe, il m’envoya voir la DRH , d’où je repartis avec une petite dizaine de salariés “disponibles” …qui n’étaient pas les plus demandés. Et pourtant, en moins de 2 ans, ils étaient l’une des équipes les plus performantes de notre groupe.
Voici les 9 clés de succès tirées des multiples expériences qui ont suivi celle décrite ci-dessus.
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